Intro

Cher lecteur, je te tutoierai.

Parce que ce guide se veut complice, nous serons unis. Unis par ce petit plaisir inexplicable de conduire ou piloter un deux roues, cette extraordinaire machine proche du tapis volant.

L'auteur de ces lignes se tape les fesses depuis plus de cinquante ans sur des trapannelles immondes ou des engins magiques, sans trop de bobos jusqu'ici. Il ne prétend pas avoir l'absolue connaissance, mais une solide expérience, et un goût pour la pédagogie.

Le deux-roues connaît un essor formidable, mais ses utilisateurs, particulièrement les nouveaux, paient un lourd tribut à Sainte Gamelle. Avec des conséquences parfois dramatiques.

D'où ce guide qui sera, souhaitons le, utile et distrayant.

Donc, si tu apprends quelque chose, c’est bien ; si tu passes un bon moment, c’est bien aussi.

Et si tu apprends en rigolant, c’est parfait.

Voici un petit aperçu de la façon dont nous allons procéder : rigoureusement.

1) DES EVIDENCES

       a) l'équipement.

       b) la pratique.

       c) les catégories d'utilisateurs.

   1) les débutants.

       a) les pièges fixes.

                    1) toi.

                    2) les autres pièges.

       b) les pièges en circulation.

                    1) les voitures.

                    2) les camions.

                    3) les autres deux roues.

                    4) les piétons.

   2) les automobilistes.

   3) les chevronnés.

2) JE ROULE EN DEUX ROUES ET JE VEUX RESTER EN BON ETAT

       a) les dangers à droite.

       b) les dangers à gauche.

       c) les dangers en face.

       d) je roule tranquille nez au vent.

       e) je tourne à gauche.

       f) je tourne à droite.

       g) les virages.

       h) les giratoires.

       i) les parkings.

       j) les autoroutes.

       k) les stations services.

       l) les chemins.

3) JE ME METS EN TETE DE DOUBLER ET JE VEUX RESTER EN VIE

       a) je double en situation normale.

       b) je double avec des véhicules qui viennent en face.

       c) je double à droite.

4) JE TRANSPORTE UN PASSAGER

5) JE SUIS UN GUERRIER ET J'ABORDE DES SITUATIONS EXTREMES, MAIS JE TIENS A MA PEAU.

       a) j'attaque.

       b) il va pleuvoir.

       c) il pleut.

       d) il a plu.

       e) je roule l'hiver.

       f) je roule en montagne.

       g) je roule de nuit.

       h) je roule au soleil couchant.

6) LES BELLES OCCASIONS DE SE BOURRER TOUT SEUL

       a) la machine

       b) Le pilote.

7) LES ENNUIS MECANIQUES

       a) l'engin démarre.  

       b) l'engin  ne démarre pas.

       c) l'engin te paraît bizarre à la conduite.

8) LE CHOIX DE LA MACHINE

       a) le type.

       b) la puissance.

       c) neuf ou occase.    

9) LES NUISANCES

10) EPILOGUE

 

 C'est parti.

I) Des évidences

Que tu sois totalement débutant, pratiquant occasionnel, ou déjà aguerri ; les lignes qui suivent te permettront de ne pas faire les erreurs fatalesOn se sert parfois d'un cutter d'un marteau d'un tournevis en se disant là je vais me faire mal. Le deux roues c'est pareil, mais on risque un peu plus qu'un ongle noir ou une petite coupure.

        a) l'équipement 

Le tour du lotissement sans casque : non. Parce que le chien du voisin va te sortir sous la roue avant, son gosse va balancer un ballon et le voisin lui-même va faire une marche arrière rapide et aveugle vu qu'il est super pressé parce qu’il doit aller chercher sa belle-mère au train de onze heures et qu'il a mit un quart d'heure à trouver sa cravate bleue, celle qui va bien avec sa chemise verte. Tous les voisins n'ont pas bon goût.

Donc le casque c'est tout le temps, en plus ça te donne un petit air de chevalier qui fait craquer les filles, ou les mecs.

Ah tiens, petit aparté sur l'intégral posé au sommet de la tête, style la police tu peux rien me dire : un, fais-toi prendre en photo avec ça et regarde l'air intelligent que ça te donne ;  deux, parle-en avec un pompier, il va t'expliquer à quoi tu ressembleras après le carton, si tu aimes les films gores, tu seras servi.

Les gants sont aussi indispensables. Je sais bien qu'on ne prend pas un deux roues pour se gameller au bout de cent mètres, mais le risque est permanent et les gants restent un élément clé pour ne pas voir trois mois de ta vie pourris par une chute bénigne. Les bricoleurs savent déjà que la peau de mains à tendance à quitter son support assez facilement, les autres ont au moins une fois ripé en forçant sur un P…de S…de B… de M..  de truc coincé à mort, et ont donc également constaté que ça fait sortir les larmes et que les pansements partout gâchent un peu les repas et la toilette.

Ceux qui en ont déjà pris une et constaté l'état des gants après, pourront confirmer.

Les pieds ont la même tendance que les mains à perdre leur peau, et là c'est encore moins pratique parce que les pansements dans les chaussures, ça force un peu.

Alors les tongs en deux roues, mieux vaut éviter : en moto c'est inconfortable au possible, ça glisse et le sélecteur fait mal au pied ; en scooter c'est le pied tout nu qui va épargner le plastique en râpant sur le goudron… Bobo…

Donc, minimum la basket, mieux la chaussure un peu montante.

Pour ce chapitre équipement, soyons logiques : je ne vais pas enfiler la combine en cuir/ kevlar avec renforts épaules-coudes-hanches-genoux plus les bottes pour aller chercher une baguette de pain au coin de la rue en plein été. Dans l'absolu, oui, mais en pratique...

On peut donc envisager les choses de deux façons :

Un, je prends un risque dès que je sors du lit, j'enfile donc un casque et un total équipement de protection dès cet instant. Ou je reste couché.

Deux, je suis quelqu'un de responsable, bien retenir ce mot, responsable, et je me gère en fonction de mes envies et de mes besoins.

Donc règle : j'adapte ma pratique à l'équipement. Si je pars en short et sandales acheter le journal, c'est gamelle interdite, donc je roule tranquille et vigilant, bien retenir ce mot. Si je pars pour un trajet plus long, je m'équipe confort et sécurité.

Ce qui nous amène à la pratique.

     b) la pratique.

- L'état d'esprit.

Vigilant c'est toujours. Et particulièrement lorsqu'on roule tranquille : on se laisse bercer, on s'illusionne : je vais pas vite, je crains rien : archi faux ! Pas de vigilance et les réflexes sont plus longs, l'attention moins vive, et c'est le pépin assuré, avec ses conséquences.

En deux roues, on ne la joue jamais décontractée. VIGILANT ! Toujours.

Je suis en ville, je roule mollo, je me retourne pour voir une superbe créature (mâle, femelle, humaine ou animale, hein…) ; tu peux être sûr que le type devant va, pour la première fois de sa vie, piler pour laisser passer un piéton. Sûr.

Je promène dans la campagne, le moteur ronronne, le paysage est superbe, la route est belle, je roule doucement, burp. Mon cerveau ronronne lui aussi ; tu peux être sûr que le père Michut va débouler en tracteur du chemin dans la courbe suivante. Comme tu n'étais pas vigilant, tu roupillais gentiment à l'intérieur de la courbe et tu te le goinfres. La charrue cinq socs : bobo.

Vigilant toujours.

     c) les catégories d'utilisateurs.

Il y plusieurs catégories d'utilisateurs de deux roues : les débutants, les automobilistes, les chevronnés.

Pour tout le monde, en deux roues, l'erreur se paie cash, voire crash. Et tout le monde fait des erreurs.

          1) Tu es débutant.

Les débutants découvrent l'engin et la circulation. Circonstance aggravante, ils sont souvent jeunes. Ce qui signifie qu'ils sont entourés de vieux cons mollassons, et sont, principalement les garçons, indestructibles.

Petit aparté :

Jeune, mon petit, tous ces vieux cons mollassons ont été jeunes, indestructibles, et entourés de vieux cons mollassons : s'ils sont encore là, c'est que leur cerveau leur a évité de faire toutes les bêtises que tu t'apprêtes à faire ; les autres n'ont pas eu le loisir de devenir vieux.

Le mot cerveau est écrit en gras parce qu'il est important : rester en vie et en bon état implique une forme d'intelligence, dont le siège… est le cerveau.

Le contraire de vieux con mollasson est jeune con excité.

Tu remarqueras que la constante est le mot con.

L'auteur de ces lignes a été jeune, con et excité, il est maintenant vieux, con, et pas trop mollasson. Mais il se fait du soucis pour ses enfants qui roulent en deux roues, autant que s'en faisaient ses parents quand il était jeune etc..

Jeune, fais marcher ton cerveau pour épargner le malheur à ta famille.

Fin de l'aparté.

Je répète : les débutants découvrent l'engin et la circulation. Tous ne sont pas jeunes, mais tous fonctionnent de la même façon.

Se familiariser avec l'engin avant de se lancer dans la circulation paraît évident, et pourtant.

Combien de gamelles à la première sortie !!

C'est vrai que le truc est là, tu as ton permis ou le petit papier qui le fait bien, et que la seule chose qui compte c'est de monter dessus et de tracer la route. Il va en falloir de la maîtrise et de l'intelligence pour survivre à ça. Tu as suivi une formation, ok. Tu as tout bien réussi, ok. Tu as le permis veut dire que tu as l'autorisation de circuler avec un deux roues. A partir de là soit tu considères que tu sais tout bien faire, alors tu quittes ce blog et bon voyage. Soit tu penses que tu as peut être encore quelques petites choses à apprendre et on continue. Mais, dans les deux cas, tu dois savoir que ta vie est en jeu et que ceux qui t'aiment n'ont pas envie de voir esquinté à vie ou allongé dans une boîte en sapin.

Bien sûr que tu vas monter dessus, tourner la poignée droite en te laissant surprendre par l'accélération, et te dire que tu vas maîtriser le monstre parce que tu es fort… Bien sûr. Bien sûr qu'on te regarde et que tu ne veux pas passer pour un gland. Bien sûr que tu vas vouloir montrer que tu gères. Bien sûr que tu vas faire le malin. Et bien sûr que tu vas te planter.

Combien de deux-roues neufs reviennent chez le marchand, en vrac, dans les deux jours ! Ou dans l’heure : ma première bécane a fait exactement 8 km avant que je ne me retrouve vautré au milieu d’un carrefour ; autrement dit c’est en revenant de chez le vendeur que je me suis étalé.

Alors jeune, mon petit, fais les choses intelligemment et prends déjà une bonne habitude : tu n'attrapes pas la poignée de gaz comme un manche de marteau : tu te gardes deux doigts pour le levier de frein, c'est un peu pénible au début, (tu peux toujours régler l'inclinaison du levier pour que tes doigts tombent dessus de façon naturelle) mais il faut que ce geste devienne systématique.  

C'est lui qui va te sauver, en grappillant quelques millisecondes sur un freinage. Et quelques millisecondes, ça fait des mètres… Souviens-toi qu'à 50 km/h, tu parcours pas loin de 14m en une seconde. Je te laisse imaginer le coup de pied au derche que tu vas te mettre s'il manque cinquante centimètres à ton engin à la fin du freinage.

Donc le truc est là, devant toi, tu en as rêvé.  Si tu veux continuer un peu à rêver, il va falloir être raisonnable.

Fais déjà un petit effort d'imagination : imagine que tu montes sur le truc et que tu te bourres, imagine la nuit que tu vas passer… à recompter les morceaux de plastique, encore heureux si ce ne sont pas tes os que tu comptes.

Donc, ce jour là, tu te contentes de ronronner devant chez toi, tu manœuvres le truc à la main, tu le mets sur la béquille, le descends, tu montes dessus et fais des demi-tours, de plus en plus serrés, avec les deux pieds par terre, avec un seul, sans les pieds, tu accélères un peu et tu freines avant le panneau, avant la porte, avant la boite à lettre. Et personne ne te regarde, sinon ça va t'exciter.

Tu vas rapidement remarquer que, à basse vitesse comme tu es, si tu freines de l’avant en tournant le guidon, ça devient difficilement contrôlable. Et tu vas en conclure très justement que, à petite vitesse et lorsqu’on manœuvre, il est beaucoup plus aisé de ne freiner que de l’arrière.

Bref, tu vas remarquer plein de choses utiles, puisque tu apprends à maîtriser l’engin à basse vitesse ou à l’arrêt. Tu vas comprendre que, comme une toupie, un deux-roues est équilibré lorsqu’il roule, et pas du tout à l’arrêt.

Bien ! Tu apprends, tu te fais plaisir, sans aller vite.

Fais-moi ça tous les jours un peu, et attends le dimanche. Là tu iras, vigilant et tranquille, sur un parking de supermarché ou ce que tu veux où il y a de la place et personne. Le but n'est pas d'aller vite, mais de se faire plaisir et, accessoirement, de rester en vie.

Enfin dimanche ! Tu vas apprendre à maîtriser ton engin ; pas celui avec lequel tu as passé le permis, celui que tu vas utiliser régulièrement.

Apprends à manœuvrer, au ralenti, c'est difficile, mais c'est ce qui te permettra de faire corps avec la machine, pour qu'elle devienne un prolongement de toi-même, et que se soit ton corps qui la conduise.

Ici un point essentiel de la conduite, et du pilotage, d'un deux roues, lit bien ce qui suit et apprends à le vérifier régulièrement :

          Tu vas passer où tu regardes.

C'est une des clefs de ton habileté. Et tu vas le vérifier tout de suite.

Tu trouves un petit caillou, un petit bout de papier coloré, bref un truc visible (plus petit qu'une pierre de trente kilos...) que tu poses par terre. Maintenant roule un peu et reviens vers ton repère, regarde-le bien, vise-le et passe dessus. Encore un petit tour, reviens vers ton repère, regarde dix centimètres à droite : c'est là que tu vas passer. Sûr. Au tour suivant tu vises à gauche, ensuite essaies de mettre plusieurs repères en ligne en travers de ta route, espacés de dix centimètres : à tous les coups tu passes sur celui que tu regardes.

En pratique courante, qu'est-ce que ça signifie ?

Ça signifie que sur un freinage d'urgence, si tu regardes la benne du camion qui se rapproche à la vitesse grand V, tu vas te la prendre. Bong.

Que si un ballon traverse la route, si tu le regardes tu vas rouler dessus. Zip.

Que si tu as repéré une trace de gas-oil et que tu la regardes, tu vas passer dessus. Re zip.

Dans le premier cas il faut viser l'espace libre à côté du camion, dans le second tu devras viser un point où le ballon est déjà passé, et dans le troisième, la partie propre de la chaussée… Allez, on répète :

Tu vas passer où tu regardes.

Ah, voilà une bonne chose de faite !

On continue. On est toujours sur le parking et on a toujours de la place.

D'abord, apprends à freiner, parce que l'urgence est souvent là.

Tu roules droit et tu freines, tu te donnes des repères, comme devant chez toi, avant l'arbre, avant la bordure. Tu augmentes ta vitesse et tu gardes le même repère de fin de freinage. Eh oui, faut doser l'avant et l'arrière, et faut pas oublier de couper les gaz : ce geste, rapidement évident et naturel, ne l'est pas pour les vrais débutants, qui se surprennent souvent à freiner et accélérer en même temps. C'est donc un apprentissage à faire de lâcher la poignée ou de la ramener à zéro.

Maintenant tu vas freiner en courbe, ben oui, faut pas attendre qu'un camion te sorte sous le nez pour savoir faire, faut apprendre.

Alors tu roules en décrivant un grand cercle, cool hein, et tu vas apprendre à freiner en continuant à tracer le cercle. T'as vu ? Ça part tout droit le truc ! Eh oui, c'est pour ça que si tu ne sais pas faire, tu vas bien éviter le camion là devant, mais tu vas te goinfrer celui qui vient en face.

Tu vas continuer avec plus de vitesse, hop hop on continue le cercle - souviens-toi : tu vas passer où tu regardes ; on fait ensuite un cercle plus petit ; et n'oublie pas de tester ça dans les deux sens parce que le camion, il va pas te laisser choisir la courbe…

Là tu as peut être déjà compris que pour freiner il faut de l'adhérence, et que les graviers, les bandes peintes au sol et les tâches de gas-oil il vaut mieux les éviter. Je ne te l'ai pas répété pour ne pas surcharger, et si tu as déjà cassé le plastique en glissant tu vas me maudire ; mais si tu as bien suivi la lecture tu remarqueras qu'on en avait déjà causé… Faut être vigilant, même en lisant.

Si tu as bien appris et que ton entraînement a porté ses fruits, tu as déjà évité quelques gamelles. Marche bien ce cerveau !

Ne te crois pas pour autant autorisé à rentrer chez toi à fond les glingues en te prenant pour le champion du monde du parking. Profite du retour pour observer dans quelles situations tu appliques ce que tu viens d'apprendre.

Normalement tu dois mollir dans les courbes parce que tu sais que, s'il faut ralentir ça va tirer tout droit ; tu dois te tenir assez loin des véhicules qui te précèdent parce que tu sais que tu n'es pas encore un champion du freinage, et tes yeux doivent balayer en permanence le sol à la recherche d'un truc glissant : trace de gas-oil, branche, pomme de pin, caillou, sac plastique etc… Que tu éviteras en regardant à côté. Parallèlement tu dois ressentir un grand plaisir à rouler sur ce truc formidable en te sentant en sécurité. Tu progresses.

Maintenant que nous sommes bien sûrs que tu es vigilant, voici la liste des principaux pièges qui te guettent :

                a) les pièges fixes.

                     1) toi.

Et oui, le plus gros piège est logé dans ton cerveau et peut porter différents noms :

- Pressé : tu es déjà remonté trois fois chez toi, d'abord pour prendre les clefs de la bécane que tu avais oubliées, ensuite pour prendre les gants et enfin pour faire le plein du porte monnaie qui était vide. Et tout ça t'as mis en retard.

 - Énervé par la colère ; tu t'es disputé avec quelqu'un ou tu as galéré pendant trois heures sur un boulot qui demandait cinq minutes.

- Allumé par la fumée ou un apéro sévère. En plus tu penses que l'air va te dégriser.

- Joueur, tu vas raser, pour l'effrayer un peu, celui qui t'est sorti sous le nez. Mais tu vas vite comprendre qu'il dort vraiment profondément.

                     2) les autres pièges.

- Ça sent le gas-oil : houla, gaffe,  le danger est par terre mais n’importe où. Si tu es en ligne droite tu prévois qu'un éventuel freinage sera glissouillant ; en virage ou sur un rond point tu regardes surtout vers l’extérieur puisque le liquide est sorti de son réservoir sous l'effet de la force centrifuge. Outre donc le fait de rouler super cool, ce serait une bonne idée de rester le plus possible à l'intérieur de la courbe ou du rond point.

- Il y a un vent de folie : gaffe. Quand tu doubles un camion, il te coupe le vent et tu vas te sentir attiré par lui pendant le dépassement, mais lorsque tu ne seras plus sous son abri, le vent va te faire changer de trajectoire. Alors prends du large, anticipe et, éventuellement, mollis sur la vitesse.

                b) les pièges qui circulent.

Les voitures, les camions et les autres deux roues : considère toujours leur conducteur comme un tueur potentiel. La grande majorité sont inoffensifs, mais les autres sont redoutables. Puisque tu es vigilant, le jeu va consister à te poser en permanence la question :

- qu'est-ce qu'il va me faire celui-là ?  

C'est sans fin, et tu découvriras un tas de réponses toutes plus inattendues les unes que les autres. La somme de ces réponses s'appellera ton expérience.

Une grande constante pour commencer ; ne te fies jamais au clignotant de celui qui te précède, attends toujours de voir son intention confirmée par un début d'engagement d'un côté ou de l'autre. Exemple : clignotant à droite je vois une place de stationnement encore plus jolie à gauche, vite, à moi la belle place. Et toi qui l'as cru et commençais à le dépasser…

Voyons maintenant les particularités de chacun.

                     1) les voitures.

- les voitures : ne fait pas le malin, elles sont plus nombreuses que toi. Toute voiture en circulation est susceptible de tourner, à gauche ou à droite, de freiner ou même de reculer sans tenir aucun compte de ta présence :

-parce que je l'ai pas vu.

-parce que j'étais pressé.

-parce que j'avais picolé.

-parce que je roupillais.

-parce que ça fait soixante ans que je conduis et que je n'ai jamais eu d'accident.

Je peux t'en faire trois pages comme ça, mais tu t'en moques parce que tu es par terre avec la bécane par dessus et que ça sent le barbecue vu que le pot d'échappement est en train de transformer ta jambe en grillade.

- Le truc utile et primordial en toute circonstance est de te dire, à priori,  que le conducteur de la voiture ne t'as pas encore vu. Tu sauras que c'est bon si, par exemple, il se serre à droite pour te laisser passer, mais le mieux est de le mater, dans ses rétros : là tu vois très bien ses yeux et tu sais alors s'il t'a ou non inclus comme paramètre de son équation.

- Les jolis pick-up et les camionnettes sont parfois prolongés d'un bouquet de ferrailles ou de bois assez mal signalé, et ledit bouquet va balayer l'espace derrière le véhicule lorsque celui-ci va tourner ; tu as compris que si tu es trop près, c'est toi qu'il va balayer

Il est bien évident que tu roules avec ton phare allumé, que tu as vérifié avant de décoller. Puisque tu es responsable

                     2) les camions.

- Leur inconvénient majeur est qu'il te cache toute visibilité lorsque tu es derrière.  Mais il y en a d'autres.

- Les camions de chantier ont souvent des feux stop et clignotants déficients, cassés ou boueux, boum dedans, pas vu qu'il freinait.

- Les camions, vu leur taille, se déportent à gauche avant de tourner à droite et toi, à droite, c'est justement là que tu allais le dépasser, couic.

Et vive versa, ils se déportent à droite pour tourner à gauche et toi… ben c’est à gauche que tu voulais le doubler.

D'ailleurs les camions, tu voudras toujours les dépasser parce que ce sont des gros trucs lents, n’est-ce pas ? Faux. Ils sont gros, oui, mais lents, c'est fini ; ces engins sont bourrés de chevaux gavés par des turbos et moulinent maintenant comme la plupart des voitures ; ce qui te mettra en situation périlleuse soit parce que tu vas te retrouver à côté en train de ramer à l'agonie comme un gros plomb avec la poignée vissée à droite en serrant les fesses, soit parce que ton dépassement aura duré bien plus longtemps que prévu et que le giratoire ou le virage suivants arriveront bien trop vite pour tes capacités, badaboum au milieu. Oui, parce qu'un deux roue ça bouge généralement bien, mais tu n'a peut être qu'un engin qui poumonne gravement lorsqu'il faut dégager rapidement.

                     3) les autres deux roues.

- les autres deux roues sont loin d'être inoffensif.

- Lorsque tu vas dépasser une file de voitures, un deux roues en sens inverse va évidemment avoir la lumineuse idée de faire la même chose pour dépasser sa propre file de caisseux, et s'il déboîte lorsque tu arrives, bingo.

Toi, déjà, avais-tu bien regardé dans ton rétro avant de déboîter ? Eh, eh…

- Autre risque potentiel d'un autre deux roues : tu pourrais, si tu n'étais pas raisonnable… le considérer comme un concurrent, lâché sur le même circuit que toi, et te mettre en tête de le rattraper et de le déposer proprement à la première occasion. Allez, ne fais pas l'innocent, tôt ou tard ce plan va te passer par la tête.

Sache donc que :

        - lorsque tu seras par terre derrière lui, il ne se sera même pas rendu compte que tu voulais jouer : nul.

        - il a peut être une bécane bien plus efficace que la tienne et tu vas prendre des risques en vain : nul.

        - il est peut être bien meilleur que toi et vous ne courrez pas dans la même catégorie : nul encore.

Par contre, si tu aimes la baston, n'hésite pas à aller tourner sur un circuit : c'est une excellente école d'apprentissage et tu y apprendras la vérité vraie.

La vérité vraie c'est que nous sommes tous des gros nuls et que nos engins ont des limites bien supérieures à nos capacités. 

Sur un circuit, personne et aucun panneau ne te dira de ralentir à l'entrée d'une courbe, donc tu pourras rester à toc tant que tu voudras ; et, fatalement, à un moment, tu couperas. Et là, sous ton regard ébahi, tu verras des zigs rentrer dans la courbe avec quarante bornes de mieux, tranquilles à l'aise, et te déposer proprement. Imagine un instant que tu aies voulu rattraper un de ces zozos dans le grand prix de ton quartier : la honte.

Mais rassure toi, eux aussi se font régulièrement enfumer par d'autres génies, et ces autres génies etc…etc…

Conclusion : la route n'est pas un circuit, et tu dois toujours y être bien en dessous de tes capacités.

Pour finir :

- les vélos, trottinettes et autres moustique sont peu visibles, vifs, maniables et quelquefois pilotés par des gamins qui n'ont pas encore lu ce guide... Comme ils jouent, en plus, un peu facilement avec les feux rouges, les stops et autres priorités, tu feras bien de t'en méfier et de leur appliquer le désormais célèbre principe : qu'est-ce qu'il va me faire celui-là ?

                     4) les piétons.

Le piéton est, bizarrement, l'être le plus fragile mais aussi le plus téméraire que tu vas rencontrer. Sûr de son bon droit ou totalement inconscient, le piéton va tester tes réflexes et ton don d'anticipation, au quotidien.

- le piéton se jette sous tes roues parce que son feu vient de passer au vert : bloc !

- le piéton descend de son trottoir quand bon lui semble : scratch !

- le piéton est persuadé que tu ne regardes que lui depuis ce matin : tonch !

- le piéton est prioritaire et aime à le faire savoir : balang !

S'il t'es déjà arrivé de marcher à pied, tu as remarqué tous ces trucs qui se déplacent trop vite autour de toi, t'empêchent de profiter du bon air,  tiennent trop de place, font trop de bruit et tentent souvent de te réduire en bouillie. Il paraît que certains piétons possèdent aussi un véhicule à moteur ; c'est sûrement une croyance. Sinon c'est de la schizophrénie.

Donc le piéton est un lutin lunatique chargé de tester ta vigilance.

Ne parlons même pas de celui qui va emprunter le passage piéton sans jamais le rendre, occupé qu'il est à négocier le reste de sa vie au téléphone : celui-là, c'est juste pour tester tes nerfs.

Le grand classique est celui qui va descendre du trottoir pile au moment où tu passes ; là tu vas vite comprendre qu'il vaut mieux rouler décalé du bord pour lui échapper. Tu as aussi le tout petit piéton dans sa poussette, poussé par sa maman dont les hormones sont encore perturbées, au point de lui faire oublier qu'il existe un vrai monde à plus de deux mètres de son nombril. Ton expérience consistera donc à déclencher ta sirène interne sitôt qu'une poussette entre dans ton champ de vision.

Pendant que tu fais du rangement, classe aussi le brave piéton qui explique à un automobiliste où se trouve la rue Marcel Mouillard et lui indique la direction en tendant soudain un bras vigoureux… devant ton pif. 

          2) Tu es un automobiliste, et voilà que tu passes au deux-roues.

Tu as bien sûr lu ce qui précède, si ce n'est pas le cas tu te dépêches de le faire, tu as cinq minutes.

Bien, ami automobiliste, tu as eu ta petite piqûre de rappel, le coup du copain que l'on rattrape t'avait déjà coûté bien cher avec ta première voiture, et tu as bien conscience que tu avais eu beaucoup de chance de ne tuer personne sur ce coup là.

En postulant que tu es raisonnable et que ton apprentissage est déjà assez conséquent, voici un petit complément spécifique à ton nouvel engin, le deux roues.

D'abord une évidence : si en voiture tu es au chaud, au sec dans ton petit monde, en deux roues tu es constamment agressé, le vent, le chaud, le froid, le bruit, les trous, les bosses, les fumées, les bagnoles, les camions.

Par conséquent, quand tu sors de la voiture, le monde t’agresse, le chaud, le froid, les fumées, le bruit, les bagnoles, les camions ; et tu n’as qu’une envie : retrouver ton petit cocon douillet.

Par contre quand tu stoppes une bécane, les agressions cessent, et tu te sens ouvert au monde, aux autres, à la nature. Tu discutes facilement, tu regardes au lieu de voir, tu es humain.

Oui, une des vertus du deux roues est là : il te rend plus humain.

La différence fondamentale entre la conduite sur quatre roues et celle sur deux, sera, tu l'as déjà lue un peu plus haut mais je répète :

- qu'est-ce qu'il va me faire celui-là ?

Tu connais déjà ce film mais, avec un deux roues, c'est tout le temps.

- Le type qui se pointe au stop et que tu ne sens pas trop, tu as l'habitude de te dire que, bof, ça le fera. Terminé ce genre de réflexe : tu ne risques plus un petit accrochage, mais un gros carton, parce qu'il va te balancer tranquillement contre la voiture qui vient en face. Ou sous le camion.

- L'endormi face à toi qui veut tourner à gauche et risque de te couper la route n'est pas une anecdote habituelle : c'est un tueur.

Mets-toi à sa place trente secondes, et tu va comprendre.

Sers-toi d'abord de ton expérience d'automobiliste : n'as-tu jamais été surpris par la vitesse de ces trucs bourdonnants montés par des mouches à lunettes ? Si, hein ? Autant il est facile d'évaluer la vitesse d'un gros objet, autant les petites machines sont trompeuses. Donc, premier point, il ne sait pas trop à quelle vitesse tu arrives.  

Ensuite, et là je fais appel à ta conscience, pas de honte on est tous pareil, reconnais que quand tu vois arriver un monstre de trente cinq tonnes, tu es un peu plus concerné que si c'est un moustique. Allez, avoue. Et bien l'endormi est fait du même bois : ta silhouette de petite chose fragile ne l'incite pas trop à se réveiller.  

Tu comprendras donc sans peine que ces deux facteurs cumulés font qu'il y a bien des risques pour qu'il te coupe la route.

N'oublie donc jamais, amis automobiliste utilisateur de deux roues, qu'un individu normal dans son tas de tôles ne te calcule jamais comme si tu étais toi aussi dans une auto. C'est un paramètre important qu'il va falloir intégrer à ta conduite.

Et toi, habitué à juger de la situation protégé par ta carapace avec des coussins gonflables partout, intègre bien que le moindre pépin peut tourner à la catastrophe : pas d'accrochage banal en deux-roues.

          3) les chevronnés.

Les chevronnés sont à manipuler avec des pincettes. Et des gants. Souvent susceptibles, souvent.

Mettons-nous bien d'accord sur le terme chevronné : un coursier en ville depuis dix ans est chevronné, un motard de la gendarmerie en exercice depuis dix ans est chevronné. Ils ont acquis une grande expérience, et le second a en plus suivit des stages de formation.  

Chevronnés signifie dans ce cas qu'ils savent et ne se feront pas piéger bêtement. Mais on en voit tomber tous les jours de ces chevronnés, ce qui montre bien qu'on peut toujours progresser.

C'est pour cette raison que j'aime bien ce terme ; on ajoute des chevrons à son expérience tout au long de sa vie en deux roues.

Ami chevronné, tu as donc un certain nombre de chevrons. Que tu augmentes à chaque nouvelle expérience : la route tapissée de bouses de vaches on ne te l'avait jamais fait et il a fallut que tu passes tes vacances au fin fond du Cantal pour découvrir que les vaches ne transforment pas l'herbe seulement en lait.

Tu as constaté que la chose est glissante, que l'augmentation de sa fluidité signifie que tu te rapproches du troupeau, et que tu as eu beaucoup de chance, au terme d'un freinage "merdique", de pouvoir finir, la roue avant entre les pattes du dernier animal et le casque sous la queue, à la source du problème pourrait-on dire.

Tu as donc ajouté un chevron à ton savoir : à la campagne on trouve des vaches et désormais la première bouse va t'alerter.

Ceci était un simple exemple.

Ami chevronné, tu as parfois tendance à te dire que tu les as toutes vues et que depuis le temps que tu te tapes le derrière sur des meules diverses il ne peut plus rien t'arriver. Erreur. Reconnais que quelquefois encore tu es surpris par l'imagination de tes contemporains en matière de gaffes, et de celle du hasard en matière de coup tordus. Reconnais aussi qu'il t'arrive de te la jouer "je suis un dieu", peut-être une histoire d'hormones.

Et puis les chevronnés ont tendance à faire comme les débutants : on achète la nouvelle bécane et hop, à donf. Ou alors on essaie la meule du copain, idem, à donf ; et comme tu ne connais pas l'engin, tu te fais surprendre. La tête du copain quand tu lui rapporte une petit bout de plastique en souvenir.

Et puis, chaque jour, des motards chevronnés se font ratatiner, et ça doit inciter à la jouer modeste.

Résumé pour tout le monde :

Je suis concentré.

Tu vas passer où tu regardes.

Qu'est-ce qu'il va me faire celui-là ?

Je suis quelqu'un de responsable.

Vigilant toujours.


II) Je roule en deux roues et je veux rester en bon état.

Après les évidences, nous allons nous amuser un peu avec une série de situations du genre " si ça t'es pas arrivé une fois, tu le crois pas".

Sous titre : "c'est pas vrai, il le fait ! "

     a) les dangers venant de droite.

D'abord, et pratiquement partout, ne roule pas trop à droite. Parce que ce côté est une source inépuisable de dangers potentiels.

Allons-y :

- Si une file de voitures stationne à ta droite, le plus courant sera la portière qui s'ouvre devant ta roue.

Facile.  

Plus rare, mais très distrayant également, la voiture qui quitte son stationnement au moment où tu arrives. Pour parer au premier, observe la place côté conducteur, si elle est occupée, gaffe ; pour le second, des feux stop allumés, le véhicule qui bouge ou des roues braquées de ton côté doivent t'alerter.

- Si les véhicules à ta droite stationnent en talon, la bonne idée sera de guetter les pots d'échappement qui fument (démarrage…) les feux stop ou les feux de recul qui s'allument.

- Tu auras le piéton qui surgit entre deux véhicules stationnés, ou le gosse, ou le vélo, ou le chien… Pas encore vu de crocodile.

- Si tu longes un trottoir, tu vas bien sûr voir débouler les piétons, gosses etc...

Tu comprends donc que le mètre ou plus que tu auras gardé à ta droite te sauvera souvent la mise. En voici encore d'autres avantages :

- celui qui veut te dépasser à tout prix ne s'engagera pas si tu tiens une place conséquente ; sinon tu peux être sûr qu'il va commencer à te doubler même si un autre véhicule arrive en face et qu'il se rabattra sur toi quand il verra que ça le fait pas. Te restera plus qu'à aller jardiner dans le bas côté. S'il y en un.

- S'il a plu, les grosses flaques sont là, à droite, ainsi que les gravillons apportés par les chemins.

- Dans une courbe, le fait d'être décalé te permettra d'avoir de la marge afin de ne pas pousser le vélo, piéton, éléphant ou autre obstacle animé ou inerte.

Petit complément d'information concernant les panneaux "stop" et les feux rouges.

- Un panneau "stop" n'arrête jamais un alcoolique pratiquant ou un endormi congénital : tu as déjà lu un peu avant que tu cherches ses yeux. Si tu y trouves le vide intersidéral, méfiance, si tu n'es pas sûr qu'il t'a calculé coupe et attends-toi à ce qu'il avance tranquillement.

Ici un petit mais utile rappel : tu n’es jamais pressé, et surtout pas au point de vouloir gagner trois secondes : donc si tu n’es pas sûr d’avoir été détecté, tu coupes ! Gagner trois secondes  en risquant trois ans d'hosto, c'est un peu cher la seconde.

- Tu es dans une file, seul deux-roues, des voitures devant et d’autres derrière. Un panneau stop à droite, et un conducteur arrêté qui attend bien sûr, et laisse passer les autres véhicules, évidemment. Eh bien figure-toi qu'il n'est absolument pas impossible qu'il démarre à ton approche : tu es en deux-roues : t’as pas vu, pas estimé ta vitesse, s'en fout c'est un deux-roues etc…

Donc : un stop = un risque.

- Mêmes remarques pour les feux rouges, z'ont jamais arrêté un tueur.

     b) les dangers venant de gauche.

Là nous entrons dans le vice parce que, à priori, un danger venant de gauche est improbable. Et en plus, comme toi tu viens de droite, tu penses, bien sûr, que tu as la priorité.

Ah oui, tiens, la priorité ! Attends, je rigole un coup… et on reprend.

Alors voilà, prends ton cerveau, pose le sur la table devant toi, munis-toi d’un couteau pointu.

C’est fait ? Bien. Maintenant, à l’aide de la pointe du couteau, grave dans tes méninges la phrase suivante : en deux-roues, je n’ai JAMAIS la priorité. Comme ça, en majuscules.

Si tu n’es pas persuadé de ça, tu vas au devant de graves désillusions, genre deux nouvelles jambes gratuites.

Bon, remet le truc dans sa boîte, on reprend :

- un panneau "stop" à ta gauche : cherche les yeux du conducteur, qui y attend ; il peut traverser.

- un maladroit venant de gauche va emprunter la chaussée et venir face à toi, mais va aussi emprunter ta voie ; soit il pense piloter un semi-remorque, soit il n'a pas les bras assez costaud pour son volant, soit il sort de l'apéro chez Lulu, etc…

- une voiture garée en talon à ta gauche va reculer, et comme le gars a un petit problème de schéma corporel, il va reculer jusque sur ta voie.

     c) les dangers en face.

- le modèle standard sera celui qui arrive en face, double, et ne t'a pas vu. Inutile de perdre du temps à faire des appels de phare ou autre facétie, tu te planques le plus vite possible.

- celui qui double face à toi et qui va se retrouver bien juste pour finir son dépassement. Souviens-toi que tu n'es qu'un moustique et ne tente pas de l'intimider en restant stoïquement sur ta trajectoire : un, il ne t'a peut être pas vu ; deux, il se peut qu'il soit vraiment au dessus de ses pompes et incapable de rattraper son erreur. Planque-toi encore.

- tu roules tranquille, face à toi un véhicule s’apprête à tourner à gauche : il a tout fait bien, mis le clignotant ; tu es évidemment persuadé qu’il va attendre que tu passes pour tourner. Erreur ! Il peut tourner pile sous ton nez pour tout un tas de raisons plus ou moins valables mais totalement dangereuses :

* Classique : t’a pas vu, parce que le soleil est derrière toi ou parce qu’il fait sombre et qu’il a confondu ton phare avec un de ceux de la voiture qui te suit.

* Imparable : pensait pas que tu arrivais si vite.

* Navrant : s’en fout, tu es un deux-roues, il ne craint que les gros camions.

     d) je roule tranquille le nez au vent.

Tu dois déjà avoir lu un peu plus haut que ta vigilance doit être permanente. Ce n'est donc pas parce que tu roules tranquille que les autres en font autant : pas de trêve, les tueurs sont là. Combien d'accidents alors que le conducteur roulait tranquille… Roupillait tranquille.

     e) je tourne à gauche.

- Personne n'a vu ton clignotant, prends ça comme un principe. Autrement dit, surveille ton rétro et vérifie que personne ne s'apprête à te dépasser, particulièrement un deux roues qui, tu le sais, n'est guère visible, surtout si cet inconscient roule sans phare.

- Le risque est maximum lorsque tu étais en train de dépasser et que tu désires tourner à gauche. Mets-toi à la place de celui qui te suis, auto ou deux roues, dans ton dépassement : pour lui, tu dépasses, et donc tu ne dois pas ralentir. Il te faut donc le prévenir que le film à changé en allumant plusieurs fois ton feux stop sans ralentir ; si tu le vois toujours collé à ta roue arrière, laisse tomber la manœuvre, continue tout droit, tu feras demi-tour plus loin.

     f) je tourne à droite.

- Préviens ceux qui te suivent avec ton clignotant mais aussi en pompant du frein pour allumer ton feu stop. Souviens-toi toujours que pour les autres, la perception de ta proximité est faussée par ta petite taille.

- Au moment de tourner méfie-toi du cycliste que tu avais doublé et qui t'as rattrapé, à droite : sont joueurs les sportifs.

     g) les courbes.

Petit rappel technique, tu dois te souvenir, puisque tu l'as appris lors de ta formation, que lorsque tu penches l’engin, tu imprimes une poussée au guidon.

Si tu pousses, à partir d'environ 30km/h,  la branche droite du guidon, ton engin va se pencher et tourner à droite, et même phénomène de l'autre côté.

On appelle ça le braquage inversé. Si si, vérifie…et plus tu vas pencher, plus ce sera évident.

Ce qui signifie pratiquement que, pour venir à l'intérieur de la courbe, tu penches plus et tu pousses le guidon vers l'extérieur. Entraîne-toi à sentir ce phénomène : change de trajectoire dans des courbes bien dégagée, viens à l'intérieur ou au contraire laisse-toi dériver vers l'extérieur, et sens le mouvement que tu imprimes au guidon. Étonnant, non ? Lorsque tu auras bien intégré le truc, tu auras le bon réflexe en cas de surprise, genre objet à éviter, chien errant, portière de soucoupe volante ou autre imprévu.

Dans les courbes, la visibilité n'est pas souvent dégagée du côté de la sortie. Alors place-toi de façon à avoir la meilleure visibilité possible sur la suite de la trajectoire, genre milieu de ta chaussée, te ménageant une distance de sécurité d'un côté et de l'autre. Bien utile en cas de surprise, genre vélo, gravillons, tracteur etc.

Et, toujours, lorsque tu es dans une courbe, imagine qu’une file de véhicules peut être arrêtée juste à la sortie, devant toi.

     h) les giratoires.

- À l'entrée, regarde ce qui arrive mais aussi celui qui te précède, il risque de piler : tu lui demanderas pourquoi après.

- Dedans, cherche le gas-oil par terre et assure-toi que celui qui vient à droite t'a bien vu, regarde ses yeux.

- En sortant, regarde un peu si un piéton n'a pas l'intention de traverser sur le passage juste à la sortie : soit il te sort sous le pif, soit celui qui te précède pile juste quand tu remets les gaz, effet garanti.

     i) les parkings.

A savoir :

- Tu n’es pas visible au milieu de tous les tas de tôle.

- Le danger peut venir de droite comme de gauche.

- L’axe médian n’est pas matérialisé.

Donc : super gaffe, aucune vitesse, tu ne maîtrises plus rien.

     l) les chemins.

C'est légal et agréable. Bien sûr pas question de vitesse, pour ta sécurité et celle des autres. Oui, parce que ce chemin perdu au fond de ce trou perdu est aussi à la disposition des promeneurs, des cyclistes, des cavaliers, des chasseurs, des coureurs à pied etc..

Il faut donc t'attendre à rencontrer tout ce monde sur le chemin. Là, tout est donc possible, le sol est instable, glissant, imprévisible ; la visibilité réduite, les obstacles permanents et imprévisibles.

Donc tu profites, de l'air, du paysage, des sensations, et tu restes vigilant.

La surprise peut être un arbre tombé, un câble ou un fil tendus en travers du chemin…eh eh…

Si ça te plaît et que tu veux jouer, va sur un circuit, inscrits-toi à un raid, prend une licence enduro ; relis le chapitre sur la pratique en circuit et surtout sa conclusion : La vérité vraie c'est que nous sommes tous des gros nuls et que nos engins ont des limites bien supérieures à nos capacités.

     j) les autoroutes.

Tu dois savoir que ça roupille grave sur les autoroutes et que l'impression de vitesse que tu ressens en permanence avec ton deux roues est gommée ou inexistante dans les véhicules fermés.

Dans les véhicules fermés on discute, on digère, on mange, on boit, on chante, on écoute de la musique ou des infos, bref, on ne conduit pas vraiment. Alors l'espèce de guêpe qui tient à peine un mètre de largeur.

 Donc ici, plus encore qu'ailleurs, tu n'existes pas. Pas la peine que je t'explique ce qui va se passer si en plus tu doubles à droite, si tu te faufiles ou si tu arrives 40 bornes trop vite.

Si tu ne veux pas t'exciter sur autoroute, prévois ton passage au péage : où vas-tu mettre le ticket, la carte, l'argent, les gants que tu vas devoir quitter et remettre ?

Le péage est un joli réservoir à huile et à gas-oil, vise bien le sol et ne tente pas un freinage de Grand Prix.

Lorsque tu quittes le péage et attaque le gros entonnoir qui suit, rappelle-toi que tu n'existes pas.

Tu as survécu à l'autoroute, c'est bien, maintenant il va falloir en sortir. Ta sensation de vitesse est altérée et la gaffe probable est de ne pas te fier aux panneaux de limitations qui te disent que tu es trop vite. Regarde bien les piliers métalliques et coupants qui tiennent les barrières dites de sécurité, imagine que tu arrives là dedans… En plus ces bretelles de sortie sont imprévisibles quant à leur courbe qui peut se refermer brusquement : normal puisque tu étais prévenu par le panneau de limitation.

     k) les stations services.

Entre l'huile, le gas-oil, celui qui ouvre sa portière, le gosse qui va faire pipi, le chien qui n'en peut plus, celui qui va chercher la raclette à pare-brise, celui qui recule, qui déboîte, qui va au lavage, au gonflage, au péage, au fromage ou au dragage, tu vas devoir ouvrir les yeux et faire ronfler ton cerveau.  

III) Je me mets en tête de doubler et je veux rester en vie.

En préambule, tu répètes trois mille fois : rétro.

Rétro pour rétroviseur, tu sais ce petit objet muni d’un miroir qui te permet de voir, un peu, ce qui se passe derrière toi.

Parce que si tu crois que le fait de mettre ton clignotant pour indiquer que tu vas déboîter pour doubler implique que le monde entier suspend sa respiration et fait soudain très attention à la petite chose fragile que tu es, et bien si tu crois ça, tu te mets le doigt dans l’œil. Jusqu’au coude.

Il va donc te falloir envisager d’autres actions préventives pour sauver ta peau.

     a) je double en situation normale.

Tu vas vérifier, avant de doubler, si le véhicule devant toi ne va pas lui même dépasser un vélo ou autre objet plus lent. Si le véhicule qui te précède est vitré, c'est facile ; s'il est tôlé ou si c'est un camion, tu te seras d’abord déporté sur la gauche pour voir un peu la suite du programme, par exemple chercher les yeux du conducteur dans son rétro.

Tu seras aussi certain avant de doubler que celui que tu dépasses à bien l'intention de continuer son chemin tout droit. Si tu le vois hésitant, ralentissant sans raison, bref s'il se comporte  bizarrement, tu t'abstiens et tu attends.

Le risque s'atténue lorsque celui ou ceux que tu dépasses sont prévenus : donc phare, clignotant, et, parfois ,petit coup de gaz pour réveiller l'endormi.

Nous voici ensuite dans le cas de figure des trucs qui n'arrivent jamais et t'envoient à l'hôpital à coup sûr.

- Celui qui tourne à gauche. Un peu plus haut tu t'es mis à la place de celui qui te suit lorsque tu doubles et que tu dois tourner à gauche ; et ben là, tu y es ! Il te bouchonne, si ça se trouve il a déjà déboîté sous ton nez et ça t'a énervé, et tu lui colles au train pour lui signaler qu'il faut dégager la piste. Énervé tu es, c'est déjà pas bien, tu le sais, et comme il en a déjà fait une, tu devrais maintenant savoir que c'est un gaffeur et que la suivante ne va pas tarder. Tiens, la voilà, il tourne à gauche, sans clignotant et au dernier moment bien sûr, parce qu'il était occupé à se gratter le nez, à écouter une bonne blague à la radio, à téléphoner, ou juste pour t'apprendre à lui coller le train. Il y a des vicieux. 

- Celui qui te double déjà. Même si tu as signalé ton intention avec ton clignotant, même si tu as déjà jeté un coup d'œil dans le rétro, ne néglige pas de jeter un coup d’œil directement à ta gauche pour t'assurer que personne ne te double.

- Celui qui va déboîter pour doubler, ou pour tourner à gauche. Ben voilà, c'est lui ! Si la lumière est bonne tu as chopé son regard dans son rétro extérieur et tu sais qu'il ne t'a pas calculé.  

- Tu as dû aussi repérer un excité qui déboîte sans arrêt pour faire du saute mouton avec les autres usagers, si si, vigilant tu l'auras repéré. Ici l'objectif est de ne pas se faire ramasser par lui, donc de ne pas se trouver à coté lorsqu'il va gaffer, donc de ne doubler qu'en étant certain qu'il sait que tu le dépasses.

- Celui qui vient d’un chemin de droite et qui se retrouve face à toi. Là, ça devient très chaud parce que très vicieux, mais aussi très imparable. Voyons la situation : tu doubles tranquille  une file de véhicules qui roule mollo, la routine quoi. Quelques véhicules devant toi, Marcel Mouillard, un individu affable et serviable, décide de laisser passer Josiane Carafon qui vient de sa droite et veut aller à gauche. Marcel Mouillard, soucieux du confort de ses contemporains, ralentit progressivement et fait signe à Josiane de passer puisque rien ne vient en face et que le moment est bien choisi. Josiane comprend le signal et passe devant le véhicule de Marcel en lui souriant pour le remercier ; le monde est un gros loukoum sucré et nous sommes tous des amis.

Mais toi, le Marcel Mouillard tu étais arrivé à sa hauteur et tu le dépassais justement, et la Josiane, tu te la prends plein cadre.  

Comment éviter ce scénario ?

 Vigilant et soupçonneux. Tu doublais une file de véhicules et cette file à ralenti, vigilant tu t'en es rendu compte, soupçonneux tu t'es demandé pourquoi. Les réponses pouvaient être diverses, chien divagant, débris sur la chaussée, flaque énorme etc… mais, en tout état de cause, tu devais ralentir et te méfier.

- Celui qui vient d’un chemin de gauche et qui se retrouve face à toi. Là, nous frôlons l'apocalypse, parce que les plus gros cartons se produisent ainsi. Tu doubles et un véhicule surgit face à toi d'une route ou d'un chemin venant de gauche : imparable. Alors, maintenant que tu sais que ce cas de figure existe, tu dois enregistrer deux choses :

        - tes yeux balaient aussi la gauche de la chaussée à la recherche de cet éventuel chemin. Évidemment ce ne sera pas une grande route bien dégagée, mais un petit chemin bordé de végétation et bien planqué jusqu'à ce qu'il débouche, ou dissimulé par un panneau mal placé.

        - lorsque toi-même tu sortiras de ce genre de petit chemin, tu ne vas pas regarder seulement à ta gauche, mais aussi et impérativement à ta droite pour voir si personne ne double sur la route principale ou a l'intention de le faire.

     b) je double avec des véhicules qui viennent en face.

Soyons francs, ça arrive : une file arrêtée ou qui roule au ralenti, sympa ils se serrent à droite et tu passes à gauche en croisant ceux qui viennent en face.

Gags :

- Celui qui vient en face et qui tourne devant toi parce qu’un sympa lui laisse le passage : merci m'sieur Mouillard…

- Celui qui déboîte juste pour voir ce qui se passe devant…un curieux quoi.

- Celui qui ouvre sa portière pour aller voir ce qui se passe…ben puisqu’il est arrêté, pourquoi tu continuerais à rouler toi ?

- Celui qui décide sur un coup de colère de faire demi-tour vite fait.

- Celui qui décide sur un coup de colère de prendre le petit chemin à gauche qui va bien.

Tu comprends bien que dans cette situation là, aucune échappatoire n'est possible en face, et que tu dois donc tout envisager, ce qui doit te conduire à rouler mollo.

     c) je double à droite.

En théorie, NON, tu ne doubles pas à droite. Point. Tu veux des raisons ?

- le premier de la file s'arrête pour laisser gentiment bifurquer à gauche la madame qui vient en face de lui. Elle tourne. Et toi tu arrives. Clonk, perdu.

- "Ginette, pendant qu'on est arrêtés, vas donc acheter du pain." Et Ginette ouvre la portière passager. Et toi tu arrives. Bing, perdu.

- " P…, encore bouché, je vais prendre le petit raccourci à droite, là." Le clignoquoi ? Et toi tu arrives. Grunch, perdu.

J'arrête là, mais si tu veux en trouver d'autres, tu essaies : je te donne pas une minute pour allonger la liste.

En pratique, c'est vrai que tu seras tenté, et parfois obligé de le faire : la super queue de véhicules, et pépère qui s'est bien serré à gauche pour voir ce qui se passe, tu vas devoir le contourner par la droite. Je sais, c'est interdit, tu sais que c'est hyper risqué, on sait qu'il ne faudrait pas.

Mais rester coincé derrière pépère pendant un quart d'heure alors qu'il suffit de… Bon, on va dire qu'on le fait lorsque toute autre solution envisagée est irréalisable, et que, vu le danger que ça représente, il faudra être dix fois plus vigilant pour cette manœuvre.

Déjà tu surveilles bien bien le deux roues ou le vélo qui aurait anticipé et serait déjà en train de doubler à droite, pas lui sortir sous le nez… Lorsque tu dépasses pépère tu es au super ralenti parce que tu as bien lu ci-avant les risques que tu cours. Ensuite tu reviens évidemment dès que possible sur la file de gauche pour dépasser normalement les autres véhicules.

Et puis comme tu n’es pas le seul à rouler en deux roues, tu imagines bien qu’un autre va faire la même chose que toi : alors s’il te sort sous le nez entre deux voitures, ne soit pas étonné, et si c’est toi qui sors sous la roue avant d’un autre, ben, c’est que tu n’as pas assez réfléchi, assume.

IV) Je transporte un passager.

- Principe numéro un : tu es responsable.

La conduite est totalement différente, le poids est quasiment doublé.

Maniabilité moindre, freinages plus longs, reprises plus molles, position différente, centre de gravité plus en arrière donc avant plus facilement délesté, sont quelques-uns des aspects à envisager pour être bien convaincu que tout est différent. Combien de cartons gravissimes avec un passager !!

Si tu en veux encore une couche, sache que le passager inexpérimenté peut refuser de se pencher, et tu tires tout droit.  

Ou c'est un guerrier et il se jette à l'intérieur du premier virage pour te prouver combien il est un bon passager ; et tu te retrouves à jardiner le bas-côté.

- Principe numéro deux : tu n'as rien à prouver sinon que tu es quelqu'un de responsable.

Tu ne roules surtout pas comme d’habitude, tu mets ton passager en confiance en roulant coulé et tranquille et tu analyses ses réactions et celles de ta bécane. Peu à peu tu vas comprendre comment ça marche. Attention la prochaine fois, ton passager sera peut être différent.

V) Je roule chargé.

Ce qui ne veut évidemment pas dire que tu as sniffé un litre de colle ou que tu t'es avalé trois bouteilles de whisky… Je roule chargé signifie que, pour cause de voyage ou autre, tu as ajouté du poids à ton véhicule.

Le plus courant sera le top-case qui transporte d'habitude la baguette de pain et le journal, et qu'aujourd'hui tu as rempli avec la moitié de ta caisse à outil pour aller bricoler chez ta grand-mère, ou avec six douzaines de canettes pour faire la fête ce soir.

Tu dois déjà savoir que ton top-case ne peut accepter qu'un poids limité, généralement indiqué par une petite étiquette collé dessus ; et que si tu le charges trop tu peux, par exemple, envisager de livrer la bière en vrac parce que les fixations auront cédé.

Bon, la plupart de ces accessoires sont fixés très en arrière de la selle et donc en énorme porte à faux sur l'arrière de ton véhicule. Avec pour conséquence un déplacement du centre de gravité qui va te faire conduire un engin différent de celui que tu connais : plus léger de l'avant et plus lourd de l'arrière. Son comportement étant différent, le tien le sera aussi. Accessoirement, lorsque tu vas descendre de ton engin et le manœuvrer à la main, le poids haut perché va le rendre beaucoup instable.

Si tu pars en vacances avec maman, le top-case bourré à craquer, les sacoches latérales prêtes à exploser et une sacoche de réservoir pleine de cartes bleues, que tu as en plus collé un sac au dos de maman et que tu viens de faire le plein de l'appareil, tu dois bien te rendre compte que l'engin que tu pilotes n'a plus rien à voir avec la meule qui t'emmène balader le dimanche.

 Le centre de gravité à radicalement changé de place, le freinage sera plus long, la tenue de route différente, les reprises moins vives et ta position sur l'engin, modifiée.

Donc si tu ne veux pas gâcher tes congés durement acquis par une destruction d'appareil ou un séjour en clinique, sois responsable et prends bien le temps d'appréhender la nouvelle monture avant de te dire que tout va bien.

Et puis, à l’arrêt, tu ne bouges pas l’engin comme s’il était vide. Pour ne pas te retrouver à murmurer merdmerdmerdmerd tandis que ce gros veau descend irrésistiblement sur tes pieds malgré ta musculature d’athlète. 

V) Je suis un guerrier et j'aborde des situations extrêmes, mais je tiens à ma peau.

     a) j'attaque.

Bon, la route est dégagée, ce truc là est fait pour avoir des sensations, et tu veux te prendre pour un pilote de grand prix, un petit ego qui chatouille ?

Bien sûr que ce n'est pas raisonnable, mais se lever le matin, est-ce bien raisonnable ?

Donc tu as lu tout ce qui précède, tu sais tout ce qui peut se passer qui ne sera pas de ton fait.

Évidemment tu vas respecter les limitations, ce qui exclu d'emblée les routes un peu droites ; et puis franchement, aller vite sur une route droite, n'importe quel inconscient peut le faire.  

Non, tu veux avoir des sensations, de l'angle, de la bonne poussée sympa. C'est vrai que certaines petites routes s'y prêtent.

Tu exclus bien sûr les virages à l'aveuglette en priant pour qu'il n'y ait rien à la sortie, les routes hyper étroites et autres pièges de ce genre.

Je peux te faire confiance ?

Là où c'est bon, c'est la montagne : bon revêtement, on se fait plaisir sans prendre trop de vitesse, la bonne bécane te permet de doubler en quelques secondes, la visibilité est bonne et ça change tout le temps.

Un seul conseil : dès que tu as eu la première petite frayeur, tu coupes et tu finis tranquille, coulé, souple. La petite frayeur c'était le signe que tu étais au dessus de tes pompes, un freinage un peu long, une sortie un peu large, une petite glissade, stop.

Pour aller plus loin, direction le circuit. Vu ?

     b) il va pleuvoir.

Tu vois les éclairs ou les nuages devant toi, la température baisse, quelques gouttes s'écrasent sur ta visière : tu roules immédiatement comme si la route était mouillée, parce que tu peux très bien rattraper le mauvais temps et trouver la chaussée trempée à la sortie de la prochaine courbe.

     c) il pleut.

Même ceux qui font gaffe ne te voient pas, et toi tu ne vois pas les vélos, les piétons etc…

Ça glisse gravement, surtout après une bonne période de sec : la gomme des pneus et les résidus d'échappement déposés se mélangent à la flotte pour faire une jolie mousse blanche ultra glissante.

Tu te méfies évidemment de tous ces trucs décoratifs, instructifs ou impératifs peints sur le sol, et des plaques en fer, fonte et autres métalloïdes associés.

Rappel : Tu vas passer où tu regardes. 

La plupart des deux roues sont  équipés de freins à disques qui sont très efficaces mais dont il te faut connaître une des caractéristique : le disque se recouvre d'une pellicule d'eau qui doit être évacuée lors de chaque freinage, d'où un, très léger, mais perceptible temps de retard au freinage. ! N'oublie pas, à 80 km/h chaque seconde te voit parcourir environ 22m, un bassin de piscine si tu veux.

     d) il a plu.

Après un orage, et parfois pendant plusieurs jours, les chemins débouchant sur ta route ont apporté leurs gravillons ou de la terre sur la chaussée, et les gravillons tu connais, hein ?

Les gouttes de pluie sont assez grégaires et ont tendance à se rassembler sous forme de flaques dans les endroits bas de la chaussée, et quand elles te prennent le pneu avant, ça chahute.

     e) je roule l'hiver.

Ah là, tu cherches :

- Déjà tu as mis les gros gants qui tiennent tes minimes bien au chaud, mais qui ralentissent tes mouvements.  

Alors, le freinage, prévois-le un peu plus long que d'habitude.

- Ensuite le froid ralentit tes réflexes, donc tu anticipes : moins vite, et plus loin des autres véhicules. 

- Un autre paramètre à intégrer est que tu fatigues plus vite : si tu as passé une heure à te geler, tu n'es pas dans le même état qu'après une heure de route normale. Alors fais plus d'arrêts, ou des étapes plus courtes.

Goutte le plaisir de pénétrer dans un bistrot surchauffé, de quitter les gants en ayant la très nette impression que les doigts restent à l'intérieur et de poser ensuite les mains sur un bol de chocolat chaud… Aaaaaahhhhhhhhhhh…

- Les caisseux sont tout embués et engoncés. Mémère a gardé le gros manteau en astrakan bien coincé sous la ceinture de sécurité et elle voit la route à travers le petit rond de dix centimètres de diamètre que la buée ou le gel épargnent…

- Non seulement la chaussée est glissante mais en plus tes pneus ne vont pas pouvoir chauffer et la gomme va rester dure et inefficace. Les suspensions, contenant de l'huile, seront moins souples donc moins efficaces avec le froid. Tu piloteras donc un engin différent de celui que tu connais.

Donc, freinages super doux, accélérations pépères et pour l'angle, tu mollis.

     f) je roule en montagne.

Si tu n'as pas l'habitude des descentes très raides, sache que le freinage sera bien plus long, et qu'à force de tirer sur la poignée à chaque épingle, le système peut chauffer et devenir moins efficace.

Et une petite recette pour sortir correctement des épingles : joue avec l’embrayage. Parce que si tu tombe la première en arrivant dans l’épingle, l’engin va s’écraser sur ses roues en faisant beeeeeuuuuuu et aura une grosse tendance à tomber du côté où ça penche. Comme, pour rectifier le tir, tu n’aura d’autre moyen que de remettre du gaz, ta trajectoire va ressembler à un truc improbable et pas du tout contrôlé.

En jouant avec l’embrayage, tu vas pouvoir doser le ralentissement et l’accélération, garder un filet de gaz pour ne pas tomber à l'intérieur, et tu seras au vrai paradis lorsque tu passeras les épingles sans un seul à-coup.

     g) je roule de nuit.

- ici, petit commentaire technique sur l’éclairage d’une moto : le phare est fixé sur la fourche, et la fourche s’écrase ou se détend selon que tu freines ou que tu accélères.

C’est un peu chaud sur les entrées de virage : tu freines, la fourche plonge, et le phare éclaire le garde boue avant, que tu n’avais d’ailleurs jamais pensé à observer, et pas le virage dans lequel tu te précipites pourtant… Sueur.
En sortie de virage, si tu as survécu, tu remets la sauce et cet enfoiré de phare se met à éclairer le sommet des arbres et pas le goudron où s’apprête pourtant à traverser un sanglier de 120 kg. Sueur, bonne douche en arrivant.

Essaies, et tu verras si je mens.

- ton phare n'éclaire qu'une minuscule partie du paysage et te prive de beaucoup de tes repères habituels, tout ces trucs décoratifs qui sont loin mais te permettent d'anticiper. La nuit tu vas découvrir ton chemin seulement au moment de la parcourir.

- l’écran de ton casque diffuse et multiplie la lumière des véhicules d’en face et crée de jolis motifs multicolore et mouvants : ton cristallin accoutume comme un fou entre le paysage  au loin et les jolis motifs devant ton nez et tout ça devient un peu flou.

Donc : tu roules mollo sachant que ta vision sera très détériorée dès que tu croiseras un véhicule.

- tu ne vois plus les jolies traces d’huile ou de gas-oil sur la chaussée, donc : tu roules tranquille.

- les bestioles diverses attendent que tu éclaires le passage devant elles pour traverser, personne n‘y peut rien, c’est pas non plus qu’elles sont joueuses, disons qu’elles aiment bien voir où elles posent leurs petites pattes.

Donc : tu envisages le sanglier devant ta roue et tu roules en conséquence.

     h) je roule au soleil couchant.

- tu es dans l'ombre et à la sortie d'une courbe le soleil t'attend. Flash . Et tu connais le tarif : à 80 km/h chaque seconde te voit parcourir environ 22m.

- sujet de rédaction : tu as le soleil dans le dos et ceux d'en face sont éblouis et ne te voient pas Raconte.

- accessoirement, si tu as le soleil couchant dans les yeux, les bleus se sont postés face à toi pour vérifier ta vitesse.

VI) Les belles occasions de se bourrer tout seul.

     a) la machine

Les pneus sont ton seul contact avec le sol, et s'il se rompt, c'est toi qui va entrer en contact, Donc tu veilles à ces que ces pneus soient en bon état et que la pression de gonflage soit bonne.

Très important ça, la pression, et si tu ne te sers pas régulièrement de ton engin tu files illico, mais mollo, faire la pression dès que tu le reprends.

Tu as déjà dû comprendre que les freins sont un truc important et que le système doit être en bon état. Le système est hydraulique (avec du liquide quoi…) alors tu vérifies régulièrement les niveaux sur les petits bocaux. 

Si tu aimes te salir les mains et que tu fais ton niveau d'huile ou que tu graisses ta chaîne toi-même, vérifie ton pneu arrière après ces opérations : il est possible qu'il ait reçu sa dose de gras et qu'il te fasse descendre au premier virage. 

La béquille latérale peut être source de gamelles : vérifie son fonctionnement régulièrement. Remonte-t-elle bien toute seule, l'interrupteur de sécurité est-il efficace ? Si elle ne déplie pas complètement elle va se replier lorsque tu poseras le poids de l'engin dessus, soit tu fais 500 squats par semaine pour rattraper le coup, soit tu vérifies régulièrement son fonctionnement. Parmi les nombreux gags dont la béquille latérale est familière, celui du je continue à rouler est le plus courant. Explication : tu t'arrêtes, déplies la latérale et cours déjà faire la bise à ta Mémé. Mais mais mais mais, la route descend un peu… la bécane roule encore un peu vers l'avant, et la béquille remonte. Ici deux scénarios sont possibles ; tu es déjà à trois mètres de l'engin et tu l'entends s'écrouler en écrasant une fortune en poignées, réservoirs et plastiques divers, pas bien ! Ou alors tu es en train de descendre quand l'appareil avance et tu t'écroules avec avant de te retrouver coincé dessous, bobo.

Enfin si tu décèles un disfonctionnement de la machine rendant la conduite périlleuse, genre frein qui bloque, poignée de gaz qui reste bloquée, roue qui se dégonfle ou autre, tu stoppes et tu gares. Tu seras peut être en retard, mais entier.

Les belles occasions de se bourrer tout seul.

        b) Le pilote.

Tu peux le faire avec ou sans accessoires.

 Les accessoires sont : une flaque de gas-oil ou d'huile, un carton sur la chaussée,  une peinture quelconque au sol ( tiens, la mode est aux pistes cyclables peintes en vert, un bon gros vert bien épais qui vient quelquefois traverser ta chaussée juste dans une sortie de giratoire, sloup…) des gravillons, une branche, des feuilles mortes, des bouses, un chiffon, une bêche…si si si, je l’ai vu.

 Mais tu peux très bien le faire sans accessoires :

- trop vite dans le virage, bouf, tout droit : camion, voiture, mur, ravin ? Raconte. 

- trop vite dans le virage, zip, tu te couches : ça gratte hein ?

- tu montes la roue avant sur le trottoir et tu cales : oh ! Les jambes trop courtes…blonk.

- tu es resté si longtemps au froid que ton genou à un gros temps de retard pour se déplier à l'arrivée : bing.

- tu es dans une voie à sens unique et… tu fais demi-tour, facile avec un deux-roues. Donc tu te retrouves en sens interdit avec plein d'agressifs qui viennent en face : tut tut.

VII) Les ennuis mécaniques.

Voici quelques conseils, mais le plus important est de savoir que ce genre de galère va t'énerver, voir t'exciter, et que tu devras te calmer avant de finalement prendre ou reprendre la route.

Le schéma typique c'est Gilbert qui n'arrive pas à démarrer pendant cinq minutes alors qu'il est déjà super limite pour partir, et qui, lorsque cette S… de P… de M… de bécane va enfin démarrer, veut lui faire payer son infidélité, tire dessus comme un malade parce que ça le soulage et qu'il faut rattraper le temps perdu et va se croûter dans les trois minutes qui suivent. 

Il a oublié, Gilbert, le paragraphe intitulé les pièges fixes : il y avait écrit "toi".

        a) l'engin démarre.   

Si l'engin démarre, fait beuuuaaarrrkkk dès que tu accélères accuse immédiatement le carburant. Soit tu es resté longtemps sans te servir de la meule et le bouillon a mal vieilli, soit le plein que tu as fais était de mauvaise qualité, fond de cuve, fond de jerrican, ou mélange essence gas-oil parce qu'avec tous ces bidons tu ne sais plus bien où tu en es… Alors vidange du bidon.

     b) l'engin  ne démarre pas.

Cette S… de P… de M… ne démarre pas.  

C'est pas sorcier, on va pas se laisser pourrir la vie par ce tas de ferraille : évidemment tu as regardé tout de suite sur le guidon le petit bouton marqué ON/OFF qu'un gosse ou un malveillant a bricolé pendant ton absence : non ? Ben c’est par là qu’il faut commencer.

Si tout va bien de ce côté là, je t'explique le principe. Pour que ça pète, il faut de l'étincelle et du carburant : donc 1 on vérifie le carburant, 2 on vérifie l'étincelle.

Pour le premier c'est :

1 réservoir,  vide ou pas ?

2 robinet, si tu en as un, sur la bonne position ON OFF RES ?

Pour l'étincelle il faut sortir les outil, démonter une ou la bougie, lui remettre son antiparasite ( le truc avec un gros fil qui vient la coiffer), poser la base de la bougie sur une partie métallique de l'engin pour lui faire prendre la masse, et faire tourner le moteur pour observer une jolie petite étincelle entre les électrodes de la bougie. Attention les doigts, forte intensité, ça réveille ! Si tu n'as pas d'étincelle, tu pourras faire le malin chez le réparateur en lui annonçant d'un air modeste que, à ton avis, c'est une panne d'allumage.

     c) l'engin te paraît bizarre à la conduite.

Tu stoppes immédiatement et vérifie la pression des pneus.  

VIII) Le choix de la machine.

Tu as déjà dû entendre parler de la communication. Les vendeurs communiquent, et bien figure-toi que les acheteurs aussi.

Revues, internet, va voir ce qu'on pense de ton choix, ça t’évitera d’acheter une bouse invendable.

a) le type.

Tout ce que je peux te dire c'est de réfléchir à ce que tu vas en faire.

Si c'est pour t'installer à la terrasse du bistrot et la regarder briller, prends un truc qui brille.

Si c'est pour aller au charbon chaque matin, il vaut mieux que ça roule bien plutôt que de briller. 

Certains engins sont dits sportifs, bof, renseigne-toi : c'est maniable, c'est agréable à conduire, c'est lourd, ça braque ?

Tu penses te regarder passer dans les vitrines, aller dans les chemins ou faire 1000 bornes le dimanche ?

Pense, prosaïquement, que ce sera plus pratique si tu peux mettre les deux pieds par terre lorsque tu es assis dessus.

Ceci dit, le deux-roues reste quand même souvent une histoire de cœur… alors il te faudra assumer ton choix.

b) la puissance.

Sur ce sujet, pense à ceux qui t'aiment et à la statistique : plus c'est puissant, plus ça cartonne. Mais mais mais, un engin qui poumone gravement et ne te permet pas de dépasser et de dégager rapidement est tout aussi dangereux.

Souviens-toi également que la notion basique doit être le plaisir, alors recherche-le où tu veux, mais fais en sorte qu'il dure.

J'en connais un qui a passé des nuit à s'exciter sur un catalogues en se disant que celle-là avec 0,2 chevaux de plus elle est sûrement mieux, qui en a rêvé jours et nuits, qui se l'est payée, et qui a vu que c'était finalement …une bouse.

Le plaisir est aussi là, rêver, attendre, rêver, choisir. Et finalement avoir le rêve là, sous ses yeux, en sachant qu'on ne s'est pas trompé parce qu'on a bien réfléchi.

Et le plaisir s'accroît quand l'effet se recule… ou vice versa.

c) neuf ou occase ?

Franchement, et sans vouloir te ruiner le moral, si tu débutes, ne fais pas trop de frais : la machine va forcément tomber, avec ou sans toi dessus. Et tous ces trucs en plastique coûtent horriblement cher. Certaine promos en neuf font paraître les occasions un peu chères, alors renseigne-toi. Et, encore une fois, réfléchis.

IX) Les nuisances.

J'ai gardé celui-là pour la fin, parce que je sais maintenant que tu es quelqu'un de réfléchi et de responsable.

Le deux-roues, c'est du plaisir et c'est pratique.

Il faudrait que ça dure. Certains comportements irresponsables mettent à mal l'image du deux roues.

- La vitesse excessive ne te fera pas passer pour un dieu mais pour un abruti. Si tu aimes vraiment la vitesse, direction les circuits où tu découvriras sans doute la petitesse de ton talent.

- Le bruit excessif. Là, j'avoue que je n'arrive même pas à comprendre le plaisir qu'on peut avoir à emmerder la population avec un engin bruyant. Que ce soit une hyper sportive qui couine dans les aigus, un truc américain à grosse gamelles qui laisse compter ses coups de pistons ou un scoot trafiqué qui se traîne comme une larve pour qu'on en profite encore plus longtemps. Peut être une question d'ego : je suis tellement naze qu'il faut aussi que j'en fasse aussi profiter les aveugles. Apprécier le son d'un v-twin qui ronronne sur le couple, d'un quatre en ligne qui monte dans les tours, oui ; mais sonoriser le quartier, non. D'abord c'est illégal, et ensuite je n'aime pas les regards qu'on me jette lorsque je passe après toi.

- Si tu vas dans les chemins, sache que la plupart des autres usagers de ce chemin sont là pour respirer et être au calme. Donc tu coupes sitôt que tu es en leur présence, et si tu t’arrêtes et enlève le casque tu pourras même discuter et t'apercevoir que le brave père de famille que tu vois là avec ses gosses, il vient tourner ici le mercredi parce que c'est son jour de repos, avec la même bécane que la tienne et que si ça te dit…

Fin de la morale, heureusement qu'on peut discuter de tout avec des gens réfléchis et responsables.

X) Épilogue.

Si ce petit guide t'as fait sourire, bien.

S'il t’a fait rire, bien bien.

S'il t’a fait réfléchir, parfait.

S'il t’a sauvé la vie, excellent.

Fais-le aussi lire à ceux que tu aimes : s'ils pensent à toi avant d'en faire une, j'en serais très fier.

                                                           _______________________________________

Pour prolonger un peu, quelques souvenirs forts glanés au long de cinquante ans de pratique sur route, sur circuit, en enduro, en trial ou dans le désert.

 

Je me souviens de mon premier deux roues : une mob en panne abandonnée dans le garage collectif, achetée pour un prix symbolique au pépé du deuxième, réparée en cinq minutes et aussitôt essayée autour de l’immeuble, sans bien sûr avoir eu le temps de remonter le pot en entier : j’avais déjà tout un tas de nouveaux copains qui mettaient des mots dans la boîte aux lettre de mes parents.

Quand la mob fut réparée et astiquée le pépé véreux la récupéra vite fait, lui colla un bel antivol tout neuf et je cessais de me faire de nouveaux copains.

 

Je me souviens de ma première moto : j’avais passé des mois à éplucher le catalogue que m’avait filé le concessionnaire, les essais des journaux, je connaissais par cœur les moindres caractéristiques, les plus petits détails, je l’avais choisie parce qu’elle roulait 1 km/h plus vite que l’autre modèle, parce que j’avais 16 ans, parce que c’était le symbole de ma liberté. J’avais passé des années à sillonner les chemins avec un vieux solex sans moteur, VTT avant l’heure, à pédaler comme un fou pour sauter les bosses, traverser les flaques et surtout découvrir le monde qui m’entourait.

 

Je me souviens d’arriver sur un petit étang couvert de nénuphars, de voir sauter les grenouilles à mon approche et de sentir cette merveilleuse odeur du sous bois à l’automne. Et là je me dis que je reviendrais ici, un jour, avec ma moto. Alors j’ai préparé une enveloppe dans laquelle j’ai glissé le magazine que je connaissais par cœur, je l’ai glissée dans un sac plastique, scotchée bien étanche et enterrée là, au bord de cet étang, en me jurant de ne la déterrer que quand j’aurai la bécane.

 

Je me souviens des étés torrides dans des hangars aux senteurs d’huile chaude à transpirer pour réunir la faramineuse somme nécessaire à l’achat de ma bécane.

 

Je me souviens de manœuvres grossières de séduction auprès de ma grand mère qui, pas dupe mais si gentille, ajouta ce qui manquait et paya l’assurance.

 

Je me souviens de mon permis passé autour d’une place de marché, sur une bécane immonde, plate comme une tôle : tu passes la un, la deux, quand je lève le bras tu te prépares à freiner et tu piles comme si une gosse traversait lorsque je le baisse. Sitôt dit, sitôt fait, je manque de me bourrer trois fois et je pars avec le papier rose.

Le lendemain je suis chez le concessionnaire qui me fait cadeau du casque et me lâche, le cul sur ma selle et la vie devant moi : surtout ne pas caler ne pas caler ne pas caler, bouf, je cale. Honte et colère (voir “ados”) je mets à toc et lâche l’embrayage d’un coup, effet garanti : la bécane se cabre, le casque me bascule sur le nez et m’aveugle, je coupe tout et me retrouve face au bus qui klaxonne en comptant les passagers qui s’empilent dans le pare brise.

 

Je me souviens de la  petit pluie fine qui se met à tomber tandis que je prends de l’assurance, du passage piéton sur lequel je freine, de la roue avant qui glisse, de ce grand veau qui se croûte au milieu du carrefour et qui regarde, piteux, le guidon tordu et le rétro pété ; une bécane que je connais depuis un quart d’heure seulement.

 

Je me souviens de l’odeur du moteur chaud inondé de bonne boue bien grasse, de ces effluves magiques dans lesquelles (horreur ?) la nature et la mécanique se mêlent pour fabriquer des émotions de début du monde.

 

Je me souviens du vent qui siffle dans le casque tandis que défile la route, des odeurs changeantes, des alternances d’ombre et de lumière, du monde en trois dimensions que je découvre à chaque instant plus beau et de ce formidable sentiment de liberté que procure le deux roues.

 

Je me souviens de ces journées passées autour d’un rocher à se chercher des voies pour grimper dessus avec des bécanes si légères que mes vieux solex me semblent alors des monstres.

 

Je me souviens de la Sardaigne, pays de routes-circuits dessinées par des pilotes et de pistes poussiéreuses sillonnant de merveilleux plateaux plongeant finalement dans la mer. 

Je me souviens de ces heures de mécanique à décoller le piston du cylindre, à visiter l’âme de tous ces plaisirs, à comprendre le comment du pourquoi : à apprendre. 

Je me souviens de ces départs préparés de longue date, du chargement minutieux, de l’itinéraire au petit poil et de la panne odieuse après trente kilomètres, des jurons non répertoriés, de l’impuissance défoulée à coups de pieds et de l’histoire succulente que le temps en fera.

Je me souviens des visites au garage à une heure du matin pour bien voir la nouvelle  bécane, bien être sûr qu’elle est là, à moi, la mienne, dans mon garage, j’en peux plus de la regarder sous toutes les coutures, pince moi je rêve.

Je me souviens du chirurgien qui m’engueule quand je rentre de vacances avec le plâtre mou et pulvérisé entourant un poignet guéri depuis longtemps et qui me dit qu’à trente ans j’aurais des rhumatismes : eh, d’abord j’ai dix sept ans, alors trente c’est dans une autre vie, et puis va à la mer et conduis une bécane avec du béton autour du bras.

Je me souviens de n’avoir jamais retrouvé l'emplacement de l'enveloppe enterrée.

Je me souviens de m’être réveillé, le jour de mes trente ans, avec le poignet bloqué par un rhumatisme ( voir psy).

Je me souviens d'un départ en vacances avec les duvets mal fixés derrière la bécane, qui sont allés s'exploser sous la voiture qui nous suivait ; du nuage de plumes et des heures passées ensuite à coller des pièces au fer à repasser pour empêcher les dernières plumes de s'enfuir.

Je me souviens de Paulo que j'attends juste après le croisement et qui enquille la mauvaise direction, de mon demi-tour en jurant, de l'attaque de grand prix pour rattraper ce demeuré et de la fin de la poursuite coincé dans trois rangs de barbelés parce qu'on peut pencher à faire toucher les cale-pieds mais quand même pas le guidon.

Je me souviens de la descente du bateau pour la Sardaigne, sur une plaque de tôle trop étroite, gluante et inclinée comme un tremplin, avec la bécane chargée comme une bourrique et un mal de mer à rester couché.

Je me souviens de la vache en pleine montagne corse, qui me regarde arriver en mâchonnant son herbe, totalement indifférente à mes efforts pour ne pas l'éventrer.

Je me souviens de la moto qui flotte à côté de moi parce que ce petit bras de rivière est décidément plus profond qu'il n'y paraissait. 

Je me souviens de la tête de la mémé qui me voit arriver au fond de son jardin, déchiqueté par les ronces ; par un sentier qui n'avait vu personne passer depuis les résistants de la dernière guerre.

Je me souviens du petit ponton au bord de l'étang sur lequel je gare la bécane, et qui s'effondre sous son poids.

Je me souviens de tous les serpents d'eau qui grouillaient autour de moi tandis que je tentais de sortir la bécane le l'étang.

Je me souviens de ma première course, de m'être plaint des freins, et d'avoir entendu P'tit Louis me rétorquer : si tu commences à penser à freiner, t'es pas prêt d'en gagner une…"

Je me souviens du troupeau de furieux qui arrivent dans la première courbe et dont l'unique pensée est : si tu freines, t'es un lâche…

Je me souviens de la remontée Aubagne-Lyon sous la neige, de nuit, après deux jours à se geler dans les tribunes du grand-prix de France.

Je me souviens du type qui a fait 700 km aller pour venir acheter ma bécane, qui l'a désossée jusqu'à ce quelle rentre dans sa minuscule voiture, qui n'a même pas pris le temps de boire un coup après avoir signé les papiers, et qui est reparti aussi sec pour ses 700 bornes de retour.

Je me souviens de Pedro qui se bourrait systématiquement durant les essais et ruinait la bécane que nous devions ensuite rafistoler pendant la nuit ; et dont la seule excuse consistait à répéter après chaque gamelle : ben les essais, c'est pour essayer …

Je me souviens de Joël qui, après avoir quand même coupé une 4L en deux, gisait bleu comme un stroumpf mais souriant sur son lit d'hôpital.

Je me souviens d'Alain qui avait décidé de traverser un bosquet avec élan et est ressortit très exactement par le haut suite à une souche sournoisement cachée au centre du-dit bosquet.

Je me souviens de Jean-François qui, au fin fond de la Libye, labourait le sable en nous tournant autour, de plus en plus vite en criant de plus en plus fort, sur une 500 XT qui avait pourtant déjà subit tout les outrages.

Je me souviens de Christian qui passa la fin du voyage en Libye en marchant comme un crabe, tordu par un double salto avant dès son premier contact avec le désert.

Je me souviens de longues glissades sur la plage de Djerba.

Je me souviens de la caisse à outils qui s'est détachée et à traversé la paroi rouillée du fourgon, répandant son contenu en plein Massif Central à trois heures du matin.

Je me souviens d'Eric qui zigzaguait pour rattraper son casque qui lui avait échappé sur la piste alors qu'arrivait le peloton de tête du GP 125, sur la piste de Charade.

Je me souviens de Pierre qui s'était confortablement installé sur les bottes de paille protégeant un arbre, qu'un commissaire de piste zélé a fait  déménagé rapidos ; et de sa tête quand, cinq secondes plus tard, un objet roulant est venu s'exploser contre l'arbre que l'ami Pierre venait de quitter.

Je me souviens de Jean François qui revient avec la bécane que Didier le Maniaque lui avait prêté à contre cœur, jurant au soupçonneux qu'il n'a pas du tout tiré sur le moteur, tandis que la bécane émet des clic clic clic clic clic clic vengeurs pour dénoncer le menteur.

Je me souviens de ma passagère qui s'est endormie derrière moi dans les gorges de l'Ardèche après un repas bien arrosé.

Je me souviens de Tito qui, avec sa bécane flambant neuve, s'est goinfré un arbre en fin de slalom à cause de son passager qui n'aimait pas quand ça penchait.

Je me souviens de P'tit Louis à qui on hurlait la béquille ! la béquille ! et qui s'est envolé au premier virage sur cette P… de béquille qu'il avait oublié de relever.

Je me souviens de Luc, dit " La Bricole ", qui avait bidouillé des poignées chauffantes pour ses petites mimines, et dont la bécane, suite à un banal court-circuit, a flambé devant nos yeux incrédules.

Je me souviens de ces étés brûlants qui donnaient l'impression de rouler dans four.

Je me souviens du brouillard autour de Dax qui nous obligea à rouler sur la ligne blanche à droite, à cinq à l'heure pendant une heure.

Je me souviens de la grande lassitude qui te prends lorsque tu as bricolé toute la nuit, que tout le monde se prépare, part pour l'étape, et du silence terrible qui suit.

Je me souviens de Jean Luc qui avait bourré son pantalon de pièce détachées Ducati et tentait de les passer en fraude à la frontière italienne. Et de ses jurons lorsque les pièces tombèrent une à une sur la chaussée sans qu'il puisse rien faire d'autre que s'enfuir.

Je me souviens de Philippe qui me confia la photo de sa première bécane juste avant de mourir, celle qu'il trimballait dans son portefeuille depuis plus de cinquante ans.

Je me souviens de Jean François qui avait patiemment et entièrement remonté une bécane dans sa cave mais qui n'a pu la sortir parce qu'elle ne passait pas dans l'escalier 


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